COMPTE RENDU DE LA JOURNÉE DE FONDATION

DE L'AXE DE RECHERCHE SUR LES SERVICES EN SANTÉ MENTALE

(Réseau provincial de recherche en santé mentale FRSQ)

tenue à Trois-Rivières le 15 février 1999

Préparé par : Alain Lesage, Céline Mercier et Jean Caron

 

Introduction

Cette journée de fondation de l’axe services en santé mentale s’est déroulée à Trois-Rivières et visait les cinq objectifs suivants :

  1. Permettre la rencontre des personnes intéressées
  2. Faire émerger les besoins d'évaluation au niveau régional et provincial
  3. Quels sont les besoins plus spécifiques ?
  4. Situer l'émergence de l'axe sur les services dans le nouveau paradigme de recherche sur les services : nouvelle collaboration décideurs chercheurs; accélération du transfert de connaissance
  5. Zones d'action pour les prochains six mois

1. Permettre la rencontre des personnes intéressées.

Cette journée visait d'abord à permettre la rencontre de personnes intéressées à l'évaluation des transformations des services de santé mentale au Québec. Elle s'est montrée en ce sens un vif succès puisque plus de 55 personnes représentant 14 régions, chercheurs, partenaires chercheurs des régies, du ministère et d'organismes de même que des décideurs de différentes régions du Québec ont activement participé à cette journée. Elles ont confirmé tout au cours de la journée la nécessité d'un réseau autour de l'évaluation des transformations des services de santé mentale au Québec. La journée a été l’occasion d’échanges fructueux : autour de l'accueil et d'affiches exposant des travaux réalisés au Québec; dans le cadre des ateliers de l'avant-midi où un véritable kaléidoscope de besoins d'évaluation a été exposé; dans le cadre des ateliers de l'après-midi où les informations disponibles, le contexte et les priorités ont pu être abordés. Les panels organisés dans l'avant-midi et l'après-midi ont permis de situer l'émergence de l'axe sur les services, de convenir de la contribution de l'axe et de proposer des moyens et des actions pour les six prochains mois. Ce processus a été facilité grâce à la présence des organisateurs de la journée, Alain Lesage, Céline Mercier, Jean Caron; et d’invités tels Pierre Boyle, directeur général du Fonds de la Recherche en Santé du Québec (FRSQ); Pierre Joubert, de la Direction de la planification et de l'évaluation au ministère; Lucie Leduc, de la Conférence des Régies régionales du Québec; Jacques Alary, du Conseil Québécois de la Recherche Sociale (CQRS). De plus, on comptait des membres de tous les comités actuels ou futurs identifiés par le Plan d’action en santé mentale du ministère avec un mandat d’évaluation des transformations : le Comité de la santé mentale du Québec; le comité MSSS-Régies sur les indicateurs; le groupe d’appui à la transformation des services de santé mentale.

Il ressort de cette journée la confirmation de l'importance pour les participants d'évaluer les transformations des services de santé mentale au Québec et d'être en réseau pour le réaliser.

2. Faire émerger les besoins d'évaluation au niveau régional et provincial

Ce second objectif de la journée s'est réalisé principalement au cours d'ateliers menés le matin et l'après-midi et réunissant l'ensemble des participants.

Il serait difficile de donner justice à l'ensemble des propositions et des nuances apportées dans les besoins. Seulement quelques exemples seront repris pour en illustrer la richesse et les situer par rapport aux prémisses que nous avions apportées dans nos lettres d'introduction à la journée.

Nous avions anticipé que nous constaterions des efforts de qualité mais plutôt isolés au Québec. Force est de constater par la présence d'autant de personnes qu'il y a effectivement de nombreux efforts de recherches évaluatives émergeant tant des chercheurs, des partenaires chercheurs dans les régies, au ministère ou dans les organismes et d'un intérêt au niveau des décideurs. Force est aussi de constater la volonté d'un meilleur maillage entre ces trois partenaires qui permette de briser l'isolement maintes fois exprimé au cours de la journée.

Évoquer ce maillage plus étroit ne peut se faire sans exprimer le besoin d'une véritable culture de l'évaluation qui doit imprégner les milieux de décision et d'intervention en santé mentale. Il a été en effet signalé l'importance d'ancrer l'évaluation non seulement à un niveau national et régional mais également auprès des intervenants pour ne jamais perdre de vue les effets directs et concrets sur usagers dans le processus de transformations des services de santé mentale.

3. Quels sont les besoins plus spécifiques ?

Au niveau des informations, il émerge plusieurs dimensions. On cite évidemment les besoins d'être mieux informés; on rêve ainsi d'une banque centrale qui comprendrait l'ensemble des informations disponibles sur les personnes desservies, les services reçus et leur impact potentiel. Mais on s'intéresse aussi beaucoup autant au niveau national que régional sur les informations sur les conditions à mettre en œuvre pour réaliser les transformations tant dans l'élaboration que dans l'application. On s'intéresse donc aux aspects organisationnels et on cite l'intérêt de pouvoir comparer les régions du Québec et d'évaluer comment les transformations s'y sont réalisés au fil des deux dernières décennies, quels ont été les facteurs favorisant le succès de ces transformations. Les besoins d'information se situent donc tant au niveau du profil des clientèles que la façon optimale de dispenser les services.

Au niveau du contexte chercheurs/partenaires, en plus du besoin de maillage plus étroit, d'échanges d'information, on souligne comment il faut que chacun y trouve une ‘plus value’, tant les chercheurs que les décideurs et les milieux d'intervention. Il est important aussi de savoir dans quel contexte s'inscrit la recherche, à un niveau national, régional ou local. De façon corollaire, les besoins des différents experts en évaluation, qu'ils viennent de boîtes privées, de centre de recherche universitaire ou émergeant ailleurs dans le système public, posent aussi la question de bien situer le cadre dans lequel se fait l'évaluation : les mandats doivent être reconnus et respectés. On peut craindre d’être restreint à des enjeux déterminés en fonction de l’agenda politique, développés soit à un niveau local, régional ou même provincial. On reconnaît le besoin d'un consensus sur des questions plus globales qui doivent transcender les niveaux régional et national tout en y étant bien ancrées. Il émerge ainsi le besoin d'une capacité de lecture commune et du développement de grilles d'analyse. Un réseau devrait pouvoir permettre une telle approche et éviter des efforts isolés avec chacun son projet.

Au niveau des ressources, les chercheurs dont le nombre est limité sont incapables de répondre seuls à toutes les demandes. Il apparaît clairement le besoin d’augmenter le nombre de chercheurs et de partenaires chercheurs, et la formation d’une relève s’impose. Les ressources disponibles mériteraient d'être connues à l'intérieur de chacune des régions et au niveau provincial. Les chercheurs sont également soumis à une logique propre aux milieux de recherche et académiques avec leurs exigences d'obtention de subventions, de publications, de génération de nouvelles connaissances. Les milieux de décision par ailleurs, sont soumis à leur cycles de planification, d'opération et d'évaluation. Mieux connaître ces logiques de part et d'autre assurerait déjà un meilleur arrimage. Heureusement, les organismes subventionnaires reconnaissent et financent de plus en plus ce nouveau paradigme de recherche sur les services. Il faut reconnaître le rôle de pionnier au Québec du CQRS qui a créé il y a quelques années le programme d'équipes reposant sur un meilleur maillage entre les milieux académiques et les milieux d'intervention afin de favoriser justement une meilleure génération des connaissances et un meilleur transfert de celles-ci.

Lorsqu'on a voulu faire émerger des priorités des différents ateliers, il est d'abord apparu un refus d'en déterminer ! Il y a dans ce mouvement une volonté de ne pas fermer des portes sur des thèmes qui pourraient émerger des milieux d'interventions, des usagers, des décideurs, des chercheurs. Cette volonté doit s’articuler en même temps sur le besoin également exprimé d'un consensus autour d'une vue d'ensemble qui catalyserait les efforts d'évaluation au niveau provincial, régional et local.

4. Situer l'émergence de l'axe sur les services dans le nouveau paradigme de recherche sur les services : nouvelle collaboration décideurs chercheurs; accélération du transfert de connaissance

Pierre Boyle, directeur général du FRSQ, a confirmé l'émergence de la recherche sur les services au Canada. L'expertise à ce niveau est fragile, peu nombreuse et pourtant plus forte au Québec qu'ailleurs au Canada. Le rehaussement des ressources allouées à ce champ par les gouvernements et d'autres organismes viendra à la fois de la reconnaissance des besoins et aussi de l'opportunité. L'annonce de toute politique ou orientation gouvernementale devrait ainsi s'accompagner d'une évaluation de celle-ci. Ces rehaussements de ressources se feront généralement à travers des réseaux qui deviennent incontournables et une voie d'avenir car plus à même de réunir ensemble des forces vives et de maximiser tout nouvel investissement. L'axe services en santé mentale saisit l’opportunité du Plan d'action de novembre 1998 et les orientations du ministère du printemps 1997 pour la transformation des services en santé mentale.

Pierre Joubert de la Direction de l'évaluation au ministère souligne aussi l'importance de la mise à profit des connaissances dans la planification. Le ministère donne priorité à la question de l'intégration sociale et de la continuité dans la transformation des services de santé mentale et dans les services de santé et des services sociaux en général. Il reconnaît l'importance tant des recherches évaluatives que des autres sources de connaissance comme les synthèses. Ces synthèses soulignent l'importance de mettre rapidement ensemble les différents morceaux de recherche disponibles pour en effectuer une lecture intelligible et soutenir la décision. Les chercheurs peuvent par ces synthèses guider le processus de transformation. C'est un exercice continu.

Avec sagesse, Jacques Alary du CQRS citait une récente étude comparant deux secteurs de services, l'un ayant utilisé de façon active la recherche évaluative pour informer les cycles de planification et d'opérationnalisation alors qu'un autre milieu servant de contrôle n'utilisait pas ce processus d'évaluation de façon aussi systématique. Avec prudence, les auteurs de l'étude constatent qu’ils n’ont pu observer de différences significatives dans les résultats obtenus auprès des usagers dans les deux secteurs comparés. Jacques Alary nous pose ainsi la question fondamentale à savoir si cet engouement et cet effort pour la recherche évaluative vont vraiment avoir un impact au niveau des usagers ou ne servir que les milieux de planification, de décision et de recherche. Un avertissement qui trouve écho dans le besoin exprimé par les participants d'ancrer la recherche de façon étroite avec les milieux d'interventions, plus près du concret et de la vie des usagers.

D’autres avertissements ont été posés face à cette entreprise d'un maillage plus étroit entre les milieux de la recherche, de décision et d'intervention. On souligne ainsi l'importance de plus d'un interlocuteur de la recherche évaluative en santé mentale, d'avoir des partenaires avec des rôles complémentaires, par exemple au Québec le Comité d'évaluation des technologies de la santé, un futur institut de santé publique ou les futurs instituts de santé mentale. Au niveau local, il faudra prévoir des postes permanents permettant d'assurer une continuité dans le développement des projets, des responsables dans les établissements tant pour faire l'évaluation que pour servir de relais - de pivots pour le transfert des connaissances sur le développement d’une saine culture de l'évaluation.

5. Convenir de la contribution de l'axe sur les services dans l'évaluation de la transformation

Nos propositions ont trouvé écho favorable dans la journée quant aux rôles de l'axe sur les services :

  1. Catalyseur
  2. Courtier
  3. Régulateur

Le rôle de catalyseur est celui de rassembler les personnes intéressées à l'évaluation, de permettre leur rencontre comme lors de la journée, de favoriser un esprit réseau lequel permet d'augmenter la force des ressources que nous représentons.

Le rôle de courtier actualise, rend concret le rôle de catalyseur à travers différents moyens. Ainsi Jean Caron a pu montrer en première le site WEB du réseau FRSQ dans lequel se trouve un accès aux questionnaires disponibles en français de même qu'un guide pour évaluer la valeur et la validité de la traduction et des propriétés des instruments. Le site pourrait contenir les noms des participants de la journée d'aujourd'hui et ceux intéressés à être identifiés à l'axe services : ceci permettrait de faire connaître ces chercheurs, décideurs et partenaires de recherche de même que leurs priorités de recherche. Le réseau pourrait faire connaître les besoins de recherche évaluative, identifier les meilleurs partenaires de recherche et permettre le décrochage de contrats.

Comme régulateur, l'axe pourrait se montrer une véritable conscience des efforts d'évaluation des transformations des services de santé mentale en proposant une lecture critique des efforts de recherche évaluative consentis et en signalant les zones d'ombre qui pourraient être comblées tant par l'axe lui-même que par d'autres partenaires.

L'axe ne sera jamais le seul protagoniste de l'évaluation des transformations des services de santé mentale au Québec. Il faut nommer les comités actuels ou futurs identifiés par le Plan d’action en santé mentale du ministère avec un mandat d’évaluation des transformations : le Comité de la santé mentale du Québec; le comité MSSS-Régies sur les indicateurs; le comité de suivi de la transformation des services de santé mentale. Comme mentionné plus haut, il faut aussi nommer les futurs instituts de santé mentale, l'Institut de santé publique, le Conseil d'évaluation des technologies de la santé, divers organismes dont le FRSQ, le CQRS et d'autres organismes intéressés et qui vont se trouver impliqués dans l'évaluation. L'axe devrait avoir des liens avec tous ces organismes, comme ce fut le cas de cette journée fondation de l'axe sur les services.

6. Zone d'action pour les prochains six mois

L'évaluation des transformations des services de santé mentale est un processus continu et ne débute pas avec la fondation de l'axe services. S'il est assuré par les représentants du FRSQ de poursuivre son existence pour les prochaines années, son niveau de financement, un niveau plus important que celui de 25,000 $ par année, n'a pas été garanti aujourd'hui. Évidemment, on peut espérer que tout rehaussement de la recherche en santé va donner priorité à la recherche sur les services et trouvera son chemin via les réseaux dont celui que nous représentons. Le ministère semble d’abord vouloir rentabiliser le programme conjoint FRSQ-CQRS en santé mentale, lequel a été réorienté cette année en priorité vers l'évaluation des transformations des services.

Il est toutefois bien accepté par le ministère et soutenu par le FRSQ que des sommes devraient être ajoutées pour former et soutenir la relève. L’apport de nouveaux chercheurs, de nouveaux partenaires chercheurs dans les régies et les organismes intéressés à la transformation apparaît essentiel pour donner des moyens à la volonté d’évaluation qui autrement repose sur si peu d’épaules.

Pour l’immédiat, le rôle de l'axe pourrait être d'exploiter davantage le programme conjoint FRSQ-CQRS, d'agir comme régulateur, par une lecture critique des résultats du concours de cette année et faire émerger ce qui risque de rester dans l'ombre. Le rehaussement des ressources consenties à l'évaluation pourrait passer aussi par des actions concertées telles que soutenues par le CQRS autour de thèmes : ne pourrait-on pas imaginer une telle action du réseau avec les régies régionales ?

Nous proposons pour les prochains six mois les actions concrètes suivantes :

Nous vous proposons pour les prochains six mois :

Compte-rendu finalisé le 11 mars 1999

Alain Lesage
Céline Mercier
Jean Caron