COMPTE RENDU DE LA DEUXIÈME JOURNÉE

DE L'AXE DE RECHERCHE SUR LES SERVICES EN SANTÉ MENTALE

(Réseau provincial de recherche en santé mentale FRSQ)

tenue à Trois-Rivières le 29 novembre 1999

Préparé par : Alain Lesage, Céline Mercier et Jean Caron

 

Introduction

Cette deuxième journée de l'axe services en santé mentale s'est déroulée à Trois-Rivières et visait à :

  1. faire le point suite à la journée de Fondation du 19 février 1999;
  2. établir les travaux réalisés;
  3. établir quels travaux devraient être réalisés.

La journée

Plus de 58 personnes se sont inscrites pour la journée et environ une quarantaine de personnes ont assisté aux diverses activités de la journée. La journée a d'abord été une occasion de plus pour des chercheurs et des décideurs de partager et d'échanger sur des activités d'évaluation et leurs besoins.

La journée tombait également sur celle où la Ministre de la santé des services sociaux a fait une série d'annonces et de rencontres dans la foulée du Plan d'Action pour la transformation des services de santé mentale déposé à la fin de 1998. La Ministre a annoncé entre autres, la formation d'un groupe d'appui au suivi de la transformation des services de santé mentale regroupant des représentants du ministère, des régies, des milieux d'intervention publics et communautaires, de la recherche et du comité de la santé mentale du Québec. Plusieurs participants et animateurs de la journée, dont Céline Mercier, n'ont pu assister à la journée ou à une partie de celle-ci étant retenus à Montréal pour la rencontre avec la Ministre concernant cette annonce. De plus, la Ministre annonce la tenue d'un forum national à la mi-mai et qui va concerner tous les participants de notre journée. Il s'agissait donc d'une journée-clé pour les transformations des services de santé mentale au Québec et leur évaluation. Voyons maintenant ce qui s'est déroulé et les pistes qui s'en dégagent.

1. Faire le point sur les activités de l'axe services en santé mentale

Suite à sa journée de Fondation, l'axe services s'était engagé à : 

  1. fournir un compte rendu de la journée de Fondation du 19 février 1999;
  2. poursuivre le développement de son site WEB des questionnaires disponibles en français, d'une liste de participants et un inventaire des projets de recherche;
  3. fournir un commentaire critique sur le concours FRSQ-CQRS.

Les présentations du matin de Alain Lesage, Jean Caron et Marie-Josée Fleury vont permettre de constater l'atteinte de ces objectifs et la réalisation prochaine des autres.

Le compte rendu a été distribué aux participants.

Jean Caron va profiter de sa présentation pour souligner le volet sur la validation des questionnaires qui se trouve sur le site WEB à coté des questionnaires. Sa présentation patiente et académique a sans doute permis aux participants de saisir mieux les enjeux et la rigueur requise pour développer des questionnaires valides en français.

Concernant la liste des participants, elle ne se retrouve pas encore sur le site WEB mais Jean Caron annonce qu'elle devrait s'y trouver dans les prochaines semaines.

2. Les travaux réalisés

Les participants de la journée ont été conviés à examiner des travaux réalisés à travers différentes activités de la journée : à travers une dizaine d'affiches présentées dès le début de la journée; à travers la présentation du registre des études québécoises pertinentes pour l'évaluation de la transformation et à travers les tables rondes de l'après-midi sur des questions touchant l'évaluation, des questions suggérées par les participants avant la journée; finalement à travers des interventions du panel de la fin de l'après-midi.

2.1 Les affiches

Les affiches suivantes ont été présentées : 

Nom et Prénom

Institution

Titre de l'affiche

Breton, J-J.; Valla, J.P.; Bergeron, L. et Lambert, J.

Centre de recherche de l'hôpital Rivière-des-Prairies

« Utilisation des services de santé mentale : s'adressant aux jeunes québécois; analyse multivariée des déterminants individuels, familiaux et sociaux »

Breton, J-J.; Bilodeau, H.; Boyer, R.; Raymond, S. et Joubert N.

Centre de recherche de l'hôpital Rivière-des-Prairies

« Review of evaluative research on suicide programs for young canadians »

Crocker, A. et Latimer, E.A.

Centre de recherche psychosociale de l'hôpital Douglas

« Le suivi du suivi : mesure des activités d'une équipe de suivi intensif au moyen de feuilles-contact »

Fleury, M.J.

Axe services – RSMQ

« Bilan des recherches en cours sur les services de santé mentale au Québec »

Latimer, E.A.

Centre de recherche psychosociale de l'hôpital Douglas, Université McGill

« Impact économique du suivi intensif en équipe dans la communauté : revue de littérature »

Lauzon, N.

Régie régionale de la santé et des services sociaux

« Tableau de bord du suivi des transformations des services de santé mentale »

Lesage, A.

Université de Montréal, Centre de recherche Fernand-Seguin

« Les meilleures pratiques dans la réforme des soins de santé mentale au Canada »

 

Ministère de la Santé des Services Sociaux du Québec (MSSS)

« Organigramme du Ministère »

Rodriguez Del Barrio, L.

Regroupement des ressources alternatives en santé mentale au Québec – UQAM

« Une approche alternative de l'évaluation : discours et pratiques des usagers »

2.2 Présentation de Marie-Josée Fleury sur le registre des études québécoises pertinentes pour l'évaluation de la transformation

Au cours de cette présentation décrite plus haut, nous avons appris qu'en rapport avec les objectifs du Plan d'Action, plus de 40 études ont été recensées : 28 (70 %) d'entre elles portent sur les services requis; 7 (18 %) portent sur l'organisation des réseaux locaux; 4 (10 %) portent sur la formation des ressources humaines et 3 (8 %) portent sur l'implantation de la recherche évaluative. Si l'on examine plus en détail les études sur les services requis, plus de 13 des 28 études (46 %) portent sur le suivi dans la communauté. Ce qui en fait le type de services le plus étudié dans ces études recensées. Comme signalé plus haut, d’autres études demeurent à recenser.

2.3 Les tables rondes

Quatre tables rondes se sont tenues : 

  1. La compétence et les besoins de formation des intervenants oeuvrant auprès des personnes aux prises avec des troubles graves et persistants (Table animée par Tania Lecomte et Claude Leclerc)
  2. L'évaluation des services dans la prise de décision : science, rapports sociaux et marketing (Table animée par Normand Lauzon et Jean Caron)
  3. L'évaluation du suivi dans la communauté : mesure du processus et des résultats (Table animée par Anne Crocker et Daniel Gélinas)
  4. L'évaluation et l'implantation des services de santé mentale pour l'ensemble d'une région (Table animée par Denise Aubé et Claude Renaud)

Dans le premier atelier sur la compétence et les besoins de formation, les animateurs rapportent d'abord une étude qu'ils vont réaliser auprès des intervenants impliqués en suivi intensif dans la région de Mauricie Bois-Francs et se concentrant sur leurs besoins de formation. Il s'agit d'une des rares études entreprises à ce niveau comme nous apprend le registre des études québécoises plus pertinentes pour l'évaluation des transformations présentée précédemment. Les auteurs soulignent comment ils vont être guidés par les besoins perçus par les intervenants pour leur formation. Des suggestions sont apportées de même que des réflexions. On se demande quelle est l'ampleur des besoins de formation, c'est-à-dire combien d'intervenants dans le système de santé mentale devront assumer de nouvelles fonctions, de nouvelles pratiques ? À côté des besoins perçus, n'y a-t-il par lieu également de développer des besoins normatifs, quelles attentes a-t-on en termes de savoir, de savoir-être et de savoir-faire pour de nouvelles pratiques de traitements et de réadaptation dans la communauté ?

La table ronde sur l'évaluation des services dans la prise de décisions débute par un exposé captivant de Normand Lauzon sur une évaluation qui ne sera pas retenue dans la prise de décision subséquente. Cette expérience donne lieu à d'excellents échanges sur la place et le rôle de la recherche évaluative et de ses rapports sociopolitiques.

L'atelier sur l'évaluation du suivi dans la communauté, en plus d'échanges pratiques sur l'existence de certains protocoles et de certains outils d'évaluation donne lieu à des discussions sur le cadre de cette évaluation. Il y a un besoin de connaître en plus des résultats des programmes implantés, le besoin d'évaluer le processus d'implantation. On signale aussi que même dans de tels projets, on tarde à impliquer les usagers aux différentes étapes du développement et de la réalisation tant de l'évaluation que de l'implantation d'un nouveau service. On signale également comment la région de Montréal semble particulièrement favorisée pour l'évaluation des services avec un bassin de chercheurs et que ceci ne fait que faire ressortir les besoins d'une capacité d’évaluation spécifique dans les régions.

L'atelier sur l'évaluation de l'implantation des services de santé mentale pour l'ensemble d'une région fait ressortir particulièrement une préoccupation à intégrer les objets de recherche développés à l'intérieur de l'axe. On signale particulièrement : 

Comme on peut le constater, à quelques exceptions près les tables rondes ont permis autant sinon plus de projeter les conditions ou les types de travaux futurs que d'échanger sur des travaux en cours. C'est d'ailleurs ce que vont reprendre les panélistes à la fin de la journée et présentés dans la prochaine section.

3. Le panel regroupait des représentants des régies régionales, des CLSC et de l'Association des hôpitaux du Québec

M. Vigeoz pour les CLSC-CHSLD

Michèle Vigeoz nous présente une réflexion articulée autour d'une révision de la raison d'être et de la mission de l'axe, des recherches en cours et des règles du jeu et d'où étaient les établissements dans le dossier de l'évaluation. En fonction de cette lecture, elle précisera ensuite sa vision de l'évaluation qui doit être faite.

Quant aux objectifs fixés pour la création de l'axe, il faut en déduire que la recherche, dans son programme, se met aux services des instances ministérielles pour apprécier le processus d'une transformation d'un secteur de services qui a en fait été l'objet d'une décision politique. La question qui se pose alors, de quelle façon garantir la pertinence des recherches et comment maximiser l'impact des résultats des recherches considérant que des décisions politiques relèvent d'une tout autre logique que la logique scientifique.

M. Vigeoz porte ensuite son regard sur la transformation des services de santé mentale. On constate d'abord plus de 11 objectifs- comment un organisme de recherche pourrait tous les rejoindre? Il faut considérer une telle transformation comme au carrefour d'une politique, de l'organisationnel d'une clinique; au carrefour des usagers, des familles, des praticiens, des gestionnaires et des chercheurs; au carrefour de diverses disciplines, médicales, sociales, de réadaptation et finalement au carrefour de divers secteurs de vie et pour la clientèle, la vie quotidienne, le logement, le travail, les loisirs, la socialisation, les soins. Comment ne pas souligner la nécessité de se donner un cadre de recherche serré, mais aussi la nécessité de miser sur la recherche que cet angle de préoccupation d'être au carrefour donne et peut permettre d'exploiter. Il faudrait tenir compte des interrelations et de la complémentarité.

Examinant enfin les programmes de recherche en cours, en particulier celui du FRSQ-CQRS-MSSS, on constate dans les critères de sélection que les partenariats entre les milieux de recherche et les milieux de pratique représentent un atout mais non un critère d'admissibilité.

Quant aux réalisations des établissements tant CLSC que CHSLD, l'exploration des situations faite rapidement avec les répondants régionaux montre que le point commun entre eux est la diversité des situations quant aux rythmes d'avancement des travaux, à l'orientation des actions et aux priorités régionales quant aux organismes mandatés, aux structures, au financement, à la qualité des collaborations entre les différents partenaires. Des difficultés importantes mais aussi des avancées, des réussites stimulantes.

La vision proposée par Michèle Vigeoz est que le défi d'évaluation est très grand. La recherche doit être instrumentale pour les milieux de pratique au moins autant que pour les instances gouvernementales et il apparaît préférable donc d'outiller les milieux de pratique (usagers, familles, intervenants, gestionnaires en interaction dans les milieux) pour que d'une part ils changent et améliorent leur pratique auprès de la clientèle et que d'autre part ils contribuent à influencer leur politique. En ce sens, il faudra premièrement se donner un cadre permettant d'orienter de façon très serrée un programme de recherche pertinent se déclinant avec la prise en compte des usagers à toutes les étapes; le monitoring des interactions et la façon dont les différentes parties impliquées dans cette réforme remplissent leur rôle; la recherche du ou des facteurs ayant un effet de levier pour faire advenir les changements; le changement des règles aux subventions  pour assurer que la participation du milieu à la recherche soit obligatoire. Deuxièmement, se donner une structure de partenariat congruente, claire, structurée et active, se déclinant par le développement d'une culture de rigueur dans l'intervention, le développement de connaissance et des pratiques pas seulement dans les établissements en milieu universitaire; un comité mixte d'orientation annuel; un input des milieux de gestion et de pratique depuis la conception et l'évaluation jusqu'à la diffusion du programme; miser sur les maillages propres à influencer les recherches dans d'autres champs; se donner une structure de concertation et d'échanges réguliers. Ceci amène à proposer de grands thèmes de recherche à savoir la qualité des services dans le milieu; les volets organisationnels au niveau régional et en particulier les carrefours entre les différents sous-systèmes (p.ex. dans la réponse aux situations de crise); réseaux locaux de services; équipes de base et équipes existantes de psychiatrie; la transformation des pratiques.

Normand Lauzon pour la Conférence des Régies rappelle d'abord des travaux en cours à la Régie Régionale de Montréal-Centre et dont certains seront d'intérêt pour le Québec ou à répliquer dans d'autres régions. Ainsi il évoque une grande étude épidémiologique sur plus de 5,000 répondants quant à la présence de troubles mentaux, l'utilisation des services et les facteurs de risque; un sous-échantillon a été interviewé plus en profondeur pour établir les besoins de soins et de services. On travaille également en collaboration avec le Ministère sur un modèle de cartographie des services, mettant en profit un outil développé en Europe pour comparer les secteurs de différents pays quant à leurs dispositifs de services de santé mentale. La Régie régionale de Montréal-Centre a également développé des indicateurs en santé mentale pour le monitoring de certains programmes; elle aura aussi des résultats quant à la détresse psychologique des jeunes. On s'intéresserait aux autres points suivants : comment utiliser les « meilleures pratiques »; mener des travaux sur l'intégration et finalement s'intéresser à certaines clientèles vulnérables, en particulier les jeunes.

Au nom de l'AHQ, Jacques Gagnon rappelle qu'on ne peut mettre en doute la pertinence de l'évaluation, même si les décideurs n'utilisent pas beaucoup les résultats obtenus. L'axe de recherche sur les services est salué dans sa volonté de rapprochement et elle va aider. C'est par sa crédibilité et sa pertinence que ces résultats pourront être acceptés. J. Gagnon rappelle les logiques d'actions différentes entre les milieux de décision et de recherche et que le défi d'obtenir un consensus suffisant sur les résultats de la recherche. L'AHQ va appuyer et soutenir la recherche mais elle n'en fera pas directement et pourra particulièrement aider par son rôle de « courtier des connaissances » via des colloques, des revues, entreprendra à transmettre la recherche. C'est vraiment avec des partenaires que l'axe services pourra arriver à mieux évaluer les transformations. Certaines priorités émergent selon J. Gagnon.

Céline Mercier a participé à la rencontre avec la Ministre de la santé des services sociaux dans l'avant-midi et a été nommée sur le groupe d'appui au suivi de la transformation des services de santé mentale. Ce groupe d'action fera une tournée des régions et organisera un forum national sur la transformation des services de santé mentale à la mi-mai autour de quatre thèmes : 

  1. la mise en place des services requis;
  2. la mise en place de réseaux intégrés;
  3. l'analyse des conditions de succès;
  4. la validation à l'aide d'indicateurs dans les rencontres de la Ministre avec les groupes.

Un certain nombre de préoccupations ont également été soulevées à savoir : 

  1. les jeunes;
  2. les personnes souffrant de troubles mentaux qui ne sont pas considérés graves et persistants, plus de 20 % de la population!;
  3. le travail en réseau;
  4. les résistances aux changements;
  5. la recherche - cette dernière est considérée comme importante pour le groupe et Céline Mercier se trouve désignée à ce titre sur le groupe d'appui.

Céline Mercier souligne comment beaucoup d'attentes sont soulevées chez les différents groupes face à ce groupe d'appui dont la recherche. Cette dernière reçoit un appui général et considérée comme essentielle. On a souligné les champs de recherche particulièrement importants, soit la recherche sur les résultats; sur les coûts; la recherche épidémiologique. On cite des travaux exemplaires comme ceux menés par le Conseil d'évaluation des technologies de la santé (CETS) sur le suivi intensif à partir de la littérature existante et sur le beoins de modèles de bonnes pratiques pour différents types de services. On constate par ailleurs l'absence d'indicateurs qualitatifs et de rares recherches sur l'impact des politiques sociales de santé sur la santé mentale. Et enfin on insiste sur la participation des usagers dans la recherche.

Conclusion de l'ensemble des présentations

Il nous est impossible de mener des discussions approfondies et tracer à la fin de cette journée bien remplie, des grandes pistes sur la suite des travaux de recherche pour les troubles de santé mentale au Québec. L'ensemble des présentations, en particulier celles émergeant du panel et les outils fournis comme par exemple le registre des recherches et enfin l'exposition à des travaux en cours devraient permettre aux participants de l'axe de poursuivre leur réflexion. On peut souhaiter nous voir tous contribuer au développement d'un programme de recherche qui émergerait autour du Forum national sur les transformations des services de santé mentale et qui se tiendra à la mi-mai.

C'est donc à ce prochain rendez-vous à la mi-mai que vous êtes conviés et entre temps, veuillez :